Une page d’histoire: Un premier voyage en Arménie en 2002…

Tigran dans ses oeuvres...

Tigran Hekekyan, en action alors qu’il dirige son choeur, les « Little Singers of Armenia »

Comment tout débuta: Un concert mémorable des « Little Singers of Armenia »

En 2001, je suis « tombé » un jour de travail sur mon ancienne prof. de philosophie au gymnase, Madame Monique Bondolfi, une dame d’origine arménienne, qui venait dans mon établissement scolaire pour l’organisation d’un voyage en Arménie destiné à des étudiants de plusieurs gymnases. Après une prise de nouvelles réciproques, elle m’a informé qu’elle dirigeait une association à but humanitaire, KASA, oeuvrant pour l’Arménie, et que cette association organisait des voyages là-bas…

Mon épouse et moi avons trouvé l’idée excellente, pour un pays dont nous ignorions tout. Nous nous sommes donc laissé tenter par l’expérience, et en octobre 2002, nous posions nos pieds pour la première fois sur le sol arménien…

Sur place, nous avons effectué diverses excursions et visites, des rencontres avec des Arméniens, dans un pays dont les paysages sont magnifiques et les gens… globalement très pauvres, avec toutes les composantes habituelles qu’on retrouve dans les anciennes républiques de l’URSS: monceau de friches industrielles totalement abandonnées qui rouillent partout, infrastructures soit détruites soit entièrement à créer, existence d’une activité économique pour ainsi dire concentrée dans la seule capitale, Yerevan, le reste du pays vivant misérablement de l’agriculture et, souvent, de manière quasi-autarcique.

Qui plus est, toute la région nord-ouest avait été victime d’un gigantesque séisme en 1989, ayant rasé la deuxième ville du pays, Gumri, et de nombreux villages, causant la mort de dizaines de milliers de personnes (50’000 au moins)… 13 ans plus tard, tout était souvent encore en ruines, rien n’avait été reconstruit…

Les « Little Singers of Armenia » et Tigran Hekekyan

De retour à la capitale après une longue excursion, et juste avant de rentrer en Suisse, nous avons été invités à venir écouter un concert donné par un choeur de quelque 40 jeunes de 11 à 18 ans environ.

Ce concert fut un enchantement total. Comme je dirige des choeurs, j’ai été très sensible à l’exécution quasiment parfaite de morceaux souvent très difficiles, et dans un répertoire faisant la part belle à des musiques traditionnelles arméniennes, mais aussi à des compositions actuelles de compositeurs arméniens, et encore à du répertoire venu du monde entier, y compris du gospel…

Mais le plus étonnant: des jeunes débordant de bonheur de chanter, enthousiastes et simultanément très disciplinés, d’un niveau vocal très élevé… En bref, un grand coup de coeur pour un choeur, les « Little Singers of Armenia », et leur chef, M. Tigran Hekekyan, qui avait visiblement effectué un travail remarquable à la tête de cette phalange, et qui semblait littéralement « magnétiser » ses très jeunes chanteuses (et quelques garçons, mais très très peu…), âgées d’environ 11 à 18 ans.

Après le concert, j’eus l’occasion de manger en compagnie de ce chef et de le « cuisiner » sur l’origine de ce choeur, son mode de fonctionnement, la fréquence des répétitions, son succès, et j’ai été très surpris par les réponses: en temps normal, les « Little Singers of Armenia » répètent deux fois par semaine… soit des répétitions de 3 heures… Mais comme ils ont beaucoup d’engagements, en Arménie bien sûr, mais aussi à l’étranger, la notion de « temps normal » n’a plus grand sens…

Pour des enfants essentiellement issus de familles modestes, la possibilité de voyager pour chanter est un cadeau du ciel ! Et dans la foulée, ils forment une grande famille dont le chef connaît tous les membres… De ce fait, ils sont prêts à travailler beaucoup, en dehors de l’école, et se soumettent sans sourciller à une discipline de fer, M. Hekekyan gérant de manière …très efficace le travail, et c’est évident qu’un groupe de 40 enfants et adolescents est assez susceptible de se laisser facilement distraire, donc…

Collaboration avec les « Little Singers of Armenia »

M. Hekekyan m’a également parlé des difficultés qu’il rencontre pour pouvoir poursuivre son travail à la tête de ce choeur. Il avait à l’époque deux assistantes, une pour la direction chorale, l’autre pour l’administration (organiser tous les déplacements, tournées, problèmes de costumes des chanteurs, etc.), et ayant récemment été privé du modeste soutien financier du gouvernement, il ne pouvait soudain plus les payer, les assistantes ont dû partir…

C’est précisément à ce moment que s’est décidé …l’avenir de mes relations avec l’Arménie. En tant que chef de choeur et musicien, habité de valeurs humanistes, je me suis senti interpelé et lui ai promis de pourvoir dès le mois suivant au salaire de ses assistantes, ainsi que de lui verser un supplément à son propre salaire, qui était …inférieur à celui de ses assistantes, au point qu’il était toujours contraint de vivre dans le studio de sa mère !

À mon retour, j’ai contacté un maximum de mes parents et amis, et suis parvenu, pendant 7 ans, à lui assurer ces salaires mensuels, très bas bien sûr, en comparaison avec nos salaires (dans les 130.- par mois !).

À partir de là, je suis revenu régulièrement tous les 2 ans en Arménie, soit en 2005, 2007, 2009, 2011, 2013, 2015, et j’y ai noué quelques relations, tout en ajoutant encore quelques actions en faveur de ce pays.

La reconnaissance de mon aide par Tigran Hekekyan a pris une forme, disons, pour moi très agréable, intéressante, sous la forme de l’offre, à chaque fois que je suis retourné en Arménie, de diriger le choeur pendant le concert destiné aux touristes, pour l’une ou l’autre pièce; M. Hekekyan me mettait à disposition une …courte plage lors d’une ou deux répétitions pour préparer avec eux les-dites pièces.

Dans un second temps, à partir de 2011, l’offre de diriger le choeur lors de mes passages en Arménie les mois d’octobre tous les 2 ans, s’est étoffée, et a pris la forme, ces 2 dernières éditions (2013 et 2015), d’un petit programme de concert que les choristes avaient déchiffré avant mon arrivée, et qu’on a monté en 4 répétitions pas plus, et sans explications possibles, les choristes parlant arménien et russe et moi …pas ! Donc le travail s’effectue essentiellement par gestes, les gestes de direction surtout, mais aussi le langage corporel, les « mimiques », et essentiel: les exemples vocaux… Rude exercice auquel je n’ai jamais été habitué lors des plus de 30 ans de direction chorale que j’ai à mon actif…: jamais dirigé de choeur de jeunes, jamais effectué un travail en « workshop », sur 4 répétitions + un concert en 2 semaines ! Jamais dû préparer un programme de concert sans pouvoir donner des instructions verbales …ou presque (les choristes les plus âgées parlent un petit peu l’anglais…).

Cela m’a permis d’établir une relation très conviviale avec le choeur, d’une part, et d’avoir le privilège et la sensation grisante de diriger un choeur de niveau exceptionnel et répondant à toutes mes injonctions, y compris de constater très concrètement certains de mes défauts de chef de choeur, au niveau de la gestique par exemple: emporté par ma passion, parfois, je me mets à faire des gestes amples pour obtenir un …plus grand engagement des choristes, ou un crescendo. On ne se rend que rarement compte si le geste est adapté à ce qu’on souhaite obtenir, …sauf avec les « Little Singers » par exemple: ils ont réagi proportionnellement à l’ampleur de mon geste, et comme ils ont des capacités vocales exceptionnelles, j’ai sursauté lorsqu’un « triple fortissimo » a répondu à un geste large ! Enfin, j’avais un miroir qui me renvoyait ma vraie image ! J’ai dû réapprendre, avec plaisir, à doser ma gestique pour obtenir le résultat espéré…

Les possibilités de travail avec les « Little Singers » ont commencé à évoluer en 2009, lorsque nous avons concrétisé avec Tigran Hekekyan le projet d’un atelier de travail sur la musique ancienne …occidentale, bien sûr. Il arrive que les Little Singers abordent une pièce ou une autre de ce répertoire, et j’avais trouvé qu’au niveau du style d’interprétation, voire de la prononciation du latin ou du français, il y avait un intéressant travail à faire. Je pouvais observer cela dans la mesure où je pratique beaucoup ce type de musique.

Pour la première fois, il m’a été offert de travailler avec le choeur durant environ 5 répétitions de 3 heures pour monter un programme entier de concert, une semaine intensive de mise en place musicale qui devait s’achever par un concert public dont j’assumerais l’entière direction…

Redoutable cadeau ! Mais merveilleuse expérience, rendue encore plus difficile du fait de cette impossibilité de « communication verbale »… Il a fallu l’aide d’une traductrice …amatrice pour me faire comprendre par les choristes (seule fois où j’en ai disposé, les expériences suivantes s’étant effectuées sans traduction…), situation qui rend la « communication rapide » hasardeuse. Donc la nécessité de travailler avec l’exemple vocal et les gestes, essentiellement, s’est imposée, et je ne suis pas habile à ce genre d’exercice. Il fallait également aller à l’essentiel, travailler chaque pièce en peu de temps: pour un débutant à ce jeu, un défi énorme ! …avec l’intense et inégalable bonheur du concert final qui s’est très bien déroulé, et achevé par une fête mémorable avec les choristes durant toute la nuit, …qui s’est achevée au moment de devoir aller prendre l’avion de retour pour la Suisse ! Il était 2 heures du matin…

Des souvenirs totalement inoubliables, je vous l’assure ! Qui valent au centuple tout ce que j’ai pu faire pour les aider financièrement. Seuls comptent: les contacts humains, et le partage d’expériences, les échanges entre les cultures que de tels moments apportent, et ça n’a pas de prix !

Merci encore à M. Hekekyan de m’avoir offert cette opportunité, et de sa confiance en me confiant un choeur qui a travaillé et chanté sous la baguette des meilleurs chefs de choeur au monde, à commencer par lui-même: un grand honneur pour moi, une grande marque d’amitié aussi, et la complicité vivifiante créée avec cette magnifique phalange !

L’École de musique Sayat Nova

Une année environ après le premier voyage, Tigran Hekekyan m’informait qu’il venait de reprendre la direction de l’École de musique Sayat Nova, attenante au Conservatoire national de musique. Il avait trouvé cette école dans un grand état de délabrement, et misérablement dotée en instruments de musique pour l’enseignement.

C’est là qu’a commencé une deuxième collaboration musicale avec l’Arménie: j’ai demandé que M. Hekekyan me transmette la liste des instruments manquants ou à remplacer, en faisant exception des plus gros, les pianos bien sûr… Durant quelques années, je suis parvenu à trouver plusieurs instruments à lui faire parvenir, notamment grâce à la rencontre avec une dame adorable et généreuse en diable, Mme Meili Klein, une Jurassienne déjà engagée dans d’autres actions en faveur de l’Arménie.

Ensemble, nous avons collecté une bonne douzaine de violons, qu’un ami luthier à Neuchâtel, M. Philippe Girardin, a remis en état gratuitement pour nous, mais aussi des flûtes traversières, quelques instruments plus « isolés », clarinettes, hautbois, instruments à cuivre. Nous avons également, grâce à Mme Klein, offert 2 jeux complets de cordes pour les harpes de l’école, qui n’en avaient plus ou presque…

En 2007, nous avons décidé, mon épouse et moi, d’offrir à l’école de musique un instrument relativement important: un marimba. Grâce à la maison Portier et Gaudin à Cossonay, qui nous a accordé un substantiel rabais et nous a aidé à démonter l’instrument le maximum possible, nous avons pu amener …dans nos bagages en pièces détachées, réparties dans les valises de plusieurs voyageurs, ce magnifique instrument jusqu’à l’école de musique, où nous avons re-monté l’instrument. Sa présentation lors du traditionnel concert offert par les « Little Singers » pour les troupes de touristes suisses de KASA, a fait sensation… M. Hekekyan avait été laissé dans l’ignorance la plus totale de ce plan infernal, et sa surprise faillit lui coûter la vie…

Par la suite, j’ai poursuivi et poursuis encore mon aide à cette école de musique, mais sous une forme nouvelle: j’offre à l’école une contribution mensuelle qui permet de mettre à disposition d’environ 14 étudiants doués mais désargentés une bourse d’étude.

« Espaces », un club d’étudiants francophones lancé par KASA…

Lors de nos visites avec KASA, cette association profite des voyages qu’elle organise pour montrer aux voyageurs suisses quelques-unes de ses réalisations sur place. Outre des orphelinats, des écoles, des dispensaires, créés par KASA ou cofinancés par elle, une des réalisations les plus intéressantes a été la création d’un club d’étudiants francophones.

En effet, il y a à Yerevan une université française, un lycée français et donc des possibilités d’étudier cette langue et dans cette langue. KASA a toujours soutenu la présence de la langue française en Arménie, ne fut-ce que pour pouvoir former des guides arméniens aptes à faire visiter l’Arménie en parlant français aux touristes suisses et francophones en général.

Ce club va rapidement mettre sur pieds tout une palette d’activités: création d’une petite bibliothèque, mise sur pieds de cours de langue, d’une formation de guide touristique, mais centrée sur des valeurs humanitaires et du développement durable, mais aussi des cours d’informatique, et, activité essentielle, la création d’un réseau connecté par Internet, couvrant la plus large partie possible du pays. Ainsi, il devenait par exemple possible de faire de la formation à distance, et de mettre sur pied un système de contacts permettant à des gens ayant localement un problème, notamment technique, de trouver ailleurs dans le pays quelqu’un apte à aider ces gens à trouver une solution à leur problème… à distance, par l’intermédiaire d’Internet !

Une des activités actuelle de ce centre consiste à créer ou à traduire des articles pour enrichir la célèbre encyclopédie en ligne Wikipedia d’articles rédigés en arménien.

Pour rappel: l’Arménie compte à peine quelques 3 millions d’habitants. Elle possède son propre alphabet et sa propre langue. En plus, la seconde langue « nationale », ou sa première langue étrangère est le russe, et non l’anglais, encore moins le français… Dans ce contexte, il lui faut une certaine autonomie, et trouver de la documentation en arménien sur Internet représente un plus intéressant !

Or il se trouve que je suis bibliothécaire… Du coup, ma découverte de leur petite bibliothèque a attiré mon attention, …et on m’a rapidement demandé conseil et aide, ce que j’ai pu réaliser dans une modeste mesure (on ne peut pas tout faire): aider à la réflexion quant à l’usage de cette bibliothèque, aide à la réflexion quant à une politique d’achat: qu’est-ce qu’ils fixent comme priorité dans ce que doit offrir ce petit outil de travail ? Un petit peu de formation « sur le tas », pour des jeunes filles qui ne restent souvent pas très longtemps dans ce club, vu leur situation: âgées d’autour de 20 ans, elles vont rapidement se trouver à devoir prendre une activité professionnelle, ou plus souvent, à se marier…

Ma principale contribution à cette bibliothèque est de leur avoir offert le logiciel de bibliothèque Bibliomaker, celui-là même que j’utilise moi-même dans ma bibliothèque, mais dans une version « allégée », que la maison Microconsulting, là aussi, m’a aidé à acquérir en m’offrant un substantiel rabais pour raisons humanitaires.

Les bibliothécaires successives ont à ce jour réussi à y cataloguer tous leurs documents, même si le travail ne correspond …pas exactement à nos normes suisses, et que la multiplicité des intervenantes n’a pas aidé à la cohérence des pratiques de catalogage…

Situation de l’Arménie: le pays et le bilan de mes relations avec celui-ci: où il est utile de faire un peu de philosophie personnelle…

Ce sont des circonstances particulières qui m’ont amené vers l’Arménie. Ça aurait parfaitement pu être le Togo ou le Népal, ça a été l’Arménie…

Dans ma philosophie de vie, une chose compte dans ce genre de situations: notre vie est courte, et je privilégie les découvertes et les relations humaines qu’on peut établir sur une longue durée. Il faut du temps pour mieux connaître une personne, une région, une culture, donc je préfère ne pas me disperser. En outre, aller faire du tourisme juste pour voire des choses insolites et/ou belles ne me suffit pas. Les livres et les émissions ou films documentaires suffisent pour cela.

Donc visiter un pays consiste pour moi à aller à sa découverte, et lorsque ça se fait, je lis un peu de documentation pour mieux comprendre ce que je vais y voir, et souvent, je garde des liens avec ces régions visitées ou avec des personnes rencontrées.

L’Arménie est ainsi devenue, après notre France voisine, le pays où je suis allé le plus souvent, et de loin, et je me maintiens informé sur l’état du pays… qui n’est pas brillant du tout: corruption, démocratie très très relative, système mafieux où une oligarchie, largement héritée de l’époque soviétique, pille littéralement le pays; depuis peu en plus, régression de la situation matérielle générale du pays et de sa population, surtout l’écrasante majorité des très pauvres qui vivent de plus en plus dans la misère… La crise financière et économique internationale n’a bien sûr rien apporté de bon…

Le bilan est tout sauf brillant, et dès qu’ils en ont la possibilité, les Arméniens fuient un pays ingrat qui ne fait rien pour les aider à y (sur)vivre. On désigne cette situation par le terme « génocide blanc »… Beaucoup d’hommes, surtout les moins qualifiés professionnellement parlant, vont travailler en Russie, et ceux qui ont de la chance partent en Occident gonfler une diaspora qui est déjà très nombreuse et s’est constituée surtout suite aux événements autour du Génocide de 1915, soit, environ, entre 1896 et les années 1930.

Malgré tout, il ne faut pas abandonner ce pays en détresse et même si on a l’impression qu’on ne va rien changer d’essentiel, donner à quelques personnes la certitude qu’ailleurs, on pense à eux et qu’on va tenter de les aider et de manifester notre solidarité, ce n’est pas rien. Et à ma modeste échelle, mon « réseau d’influence » étant voisin de zéro, je fais ce que je peux. Le simple fait de m’informer autant que possible sur ce pays m’amène parfois à découvrir que j’en sais beaucoup plus que bien des …Arméniens d’Arménie, ce que j’ai eu plusieurs fois l’occasion de découvrir à l’issue de discussions avec certains d’entre eux.

Je considère donc qu’il ne faut pas n’aider que dans la certitude que notre aide sera bien utilisée, voire bien gérée par la suite: l’histoire nous montre hélas que le destin de peuples peut parfois basculer en très peu de temps, et qu’alors, des décennies d’aides, de tentatives de développement patiemment suivies, sont anéanties en très peu de temps. L’exemple encore récent du Rwanda est à cet égard terrible.

Donc ne jamais renoncer en imaginant que tout pourrait être détruit: nous vivons toutes et tous dans l’instant présent, les Arméniens aussi, ce qui fait que c’est aujourd’hui et maintenant qu’ils ont besoin d’aide, les problèmes de demain appartiennent à demain et sont souvent peu prévisibles. Je préfère de manière générale rester réaliste et voir que l’horizon est assez noir et les perspectives décourageantes: à chaque fois qu’une lumière troue cette obscurité, c’est toujours une agréable surprise…

Je vais donc continuer à aider les Arméniens en Arménie dans la mesure de mes moyens, et aussi longtemps que ma vie, ma santé, mes moyens financiers me le permettent, et …demain sera un autre jour pour moi aussi !

Tigran Hekekyan, un musicien hors du commun

Il y a aussi quelques mots à dire pour vous présenter ce musicien étonnant et en brosser à la fois un portrait et une petite « biographie ». Aucune date, aucun CV, juste quelques faits saillants:

Chef de choeur, Tigran Hekekyan enseigne également la direction chorale au Conservatoire national. Il a dirigé le choeur de chambre de la radio-télévision arménienne, dissous par suppression des subventions de l’État, et d’autres choeurs. Actuellement, il ne dirige plus « que » les « Little Singers of Armenia », mais c’est une activité occupant une partie importante de son temps ! Dans ce domaine, il a également une réputation internationale qui se traduit par sa participation à une institution mondiale qui choisit des experts pour les compétitions chorales internationales. Il a notamment été membre du jury des « Rencontres internationales chorales de Montreux » il y a quelques années, et donne aussi à l’occasion des masterclasses de direction chorale, notamment aux États-Unis, dans d’autres pays de l’ex-Union soviétique et dans des pays d’Europe du nord et orientale.

Directeur d’une école de musique, il y met en pratique quelques éléments de sa conception personnelle de la formation musicale: tous les élèves doivent chanter, et il y a 3 choeurs d’élèves, par « tranches » d’ancienneté dans l’école, dont le cursus est étalé sur 7 ans. Il a également développé l’enseignement des instruments traditionnels arméniens, notamment le duduk, le Khamantcha, les percussions et flûtes traditionnelles, le kanoun, notamment. Les élèves pratiquant ces instruments doivent en même temps jouer dans un ensemble d’instruments traditionnels, et pratiquer donc le répertoire traditionnel. Les élèves d’instruments « classiques » sont aussi encouragés à pratiquer la musique de chambre et à jouer en groupes.

Les grandes qualités et compétences artistiques de ce musicien ont fait qu’il a souvent été sollicité de s’installer ailleurs. Les États-Unis lui avaient offert un poste dans une université, et on aurait tout organisé pour sa venue, mais Tigran Hekekyan a toujours refusé, en disant que si tout le monde cherche à quitter le pays à la moindre occasion qui se présente, lui tentera de rester aussi longtemps que possible: on a besoin de lui dans son pays aussi, quitte à ce qu’il renonce à une carrière internationale et à une vie matérielle qui serait bien sûr nettement meilleure ailleurs !

Tigran Hekekyan est en outre l’heureux père de 4 enfants, et comme son activité a fini par être reconnue par les autorités, dans la mesure où il est un formidable ambassadeur culturel du pays à l’étranger, et qu’il est souvent requis à venir chanter avec les Little Singers pour des manifestations officielles, inaugurations, acceuil de visiteurs de marque, le gouvernement lui a mis à disposition un appartement convenable pour qu’il puisse assurer un logement décent à sa famille.

Dans le même ordre, les « Little Singers of Armenia » ont obtenu une reconnaissance de choix: à force de se battre pour trouver un local de travail pour son choeur, la mairie de la capitale Yerevan lui a offert une petite maison, dont la fondation chapeautant le choeur est la propriétaire, afin qu’il dispose de l’infrastructure nécessaire à l’activité intense de son choeur.

À l’issue du concert initial de 2002, nous avons partagé un repas avec M. Tigran Hekekyan et avons découvert un homme hors du commun: capacités de travail énormes, compétences musicales de niveau international, attachement indéfectible à son pays, salaire de misère, domicile: une petite chambre chez sa mère, passion très communicative pour la musique…

Cet homme m’a fasciné par son enthousiasme communicatif et sa volonté de transmettre par la musique à la jeune génération de son pays une énergie et une envie de se prendre en mains en générant chez ces jeunes une motivation positive et des occasions de rencontres, notamment à l’occasion de nombreuses tournées à l’étranger, dans le monde entier…

Naissance d’une action de soutien…

Je suis quant à moi un musicien dans l’âme et fort actif, chanteur et chef de choeur entre autres, donc j’ai pu apprécier à sa juste valeur le concert et les informations récoltées initialement en 2002. Un chef manquant de tout moyen financier, s’épuisant à la tâche…; en comparaison, chez nous, des chorales vivant dans des conditions matérielles décentes et plutôt soumises à des problèmes de recrutement. Là-bas, les candidats choristes se bousculent au portillon, mais n’ont même pas les moyens matériels de payer le ticket de métro pour se rendre aux répétitions…

Cette situation m’a profondément interpelé, et j’ai décidé de venir en aide à ce chef dans la mesure de mes modestes moyens, pour que ses choeurs puissent continuer d’exister, et pour que l’art choral renaisse dans ce pays démuni de toute activité culturelle populaire et associative depuis fort longtemps. En outre, je sais que les organisations humanitaires s’occupent traditionnellement davantage d’assurer des conditions de survie ou de vie décente à une population, bien avant d’aider au développement ou à une renaissance de la vie culturelle d’un pays.

Avec mon épouse Françoise, nous avons donc décidé de récolter des fonds pour aider l’action de Tigran Hekekyan. Auprès des chorales d’abord, car nous aimions bien la perspective de chorales soutenant d’autres chorales, mais aussi auprès de toutes bonnes volontés.

Tigran Hekekyan a formé récemment 80 chefs de choeurs, dispersés dans tout le pays pour créer des chorales, avec un succès immédiat: les gens s’inscrivaient par centaines dans ces nouvelles chorales ! Et les premières prestations publiques de ces chorales improvisées se sont déroulées dans une intense émotion générale. Les gens pleuraient de joie…

Entre temps, Tigran Hekekyan a également repris la direction de l’École de musique Sayat Nova, préparant les jeunes à entrer au Conservatoire national. Il y a trouvé des locaux dans des conditions matérielles épouvantables: aucun chauffage ni climatisation, dans un pays au climat extrême. Presqu’aucun instrument de musique à disposition. Tout à faire donc, ce qui n’effraye pas cette homme de ressources: en 2 mois, il avait déjà trouvé un crédit pour faire installer un chauffage !

Comment nous aider concrètement…

Seuls à chercher des fonds, nous ne pouvons pas gérer une administration complexe et lancer des collectes de fonds tous horizons à longueur d’année.
Les dons sont également les bienvenus, ainsi que tout instrument de musique d’étude (surtout des instruments à cordes et à vent: violons, flûtes traversières, clarinettes, hautbois, bassons, instruments à cuivre), pas nécessairement de « haut standing », mais en état d’être joués.

Si vous êtes sensible à notre action, veuillez prendre contact avec Pierre-Alain Beffa. Nous vous enverrons les documents nécessaires.

L’acheminement des fonds et des instruments se fait en collaboration avec KASA, qui dispose d’une antenne professionnelle dans la capitale arménienne, laquelle bénéficie maintenant du statut de fondation, et met gracieusement à notre disposition sa structure de gestion très rigoureuse des montants qui lui sont confiés.

Merci d’avance de tout ce que vous entreprendrez pour soutenir cette cause qui nous passionne, qui a produit déjà des résultats réjouissants, et que vous nous aiderez à faire croître encore un peu…